Session 2. Nouveaux dispositifs pour le renouveau de la médiation des sciences ?

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Anne Gagnebien, ATER, LabSic, Paris 13

Sauvons la planète ? Yes we game !

Résumé : Depuis cinq ans, les expositions scientifiques, techniques et de sociétés proposent en France des dispositifs ludo-pédagogiques innovants où les publics, principalement jeunes, mis en scène, jouent le rôle de démiurges mais aussi de médiateurs sur les comportements à adopter ou non pour sauver notre planète et notre espèce.

Des jeux comme le Simulateur dans Climax ou Epidemik dans l’exposition du même nom présentés à la Cité des Sciences et de l’industrie ou bien Clim’way développé par le CCSTI Cap’Sciences à Bordeaux, appartiennent désormais en tant que serious game au panorama des exhibits techniques des musées. Ils associent des aspects sérieux comme des informations sur le changement climatique ou de crises environnementales dans une visée sensibilisatrice et éducative avec les ressorts ludiques du jeu vidéo (Alvarez, 2007). Certes cette spectacularisation par hand on ou manipulations n’est guère nouvelle (Schiele, 2005) mais elle participe au traitement dans les expositions de la résolution collective de problèmes publics, plus largement de questions sociales vives (Gagnebien, 2010).

Nous proposons d’étudier ces dispositifs de médiation jouant indéniablement un rôle important dans la diffusion du développement durable, notion pluridisciplinaire qui engage aujourd’hui diverses disciplines scientifiques. Deux constats apparaissent à travers toutes les productions discursives analysées :

  • les politiques publiques sans cesse véhiculées dans les expositions s’imposent, régulent d’une certaine manière, via la communication, la diffusion du développement durable en produisant des « normes d’action communicationnelle » (Carré, 2005), mises en œuvre par l’État ou les entreprises avec de nouvelles techniques de gestion du social.
  • les serious games présents dans les expositions se distinguent des logiciels ludo-éducatifs à seule visée d’enseignement et des jeux vidéo dont but est le divertissement avec leurs objectifs d’apprentissage de connaissances et/ou de compétences. Dans le cas de Clim’way, des connaissances sur le problème climatique sont combinées à la gestion publique du problème. Ce type de productions publiques, institutionnelles ou « political games visent essentiellement à promouvoir les politiques publiques », ils « se présentent comme des outils de pédagogie et de familiarisation aux enjeux économiques et politiques » et insistent sur la complexité des problèmes publics et les difficultés à les résoudre (Mauco, 2008). Fait particulièrement intéressant dans la mesure où l’exposition, pour reprendre les termes d’Yves Winkin[1] est « un lieu investi par une opération collective temporaire ».

Nous analyserons alors les discours et les représentations (observations in situ, enquêtes, études de publics, entretiens) des concepteurs d’expositions et des publics, sur ces games, quand le visiteur est à la fois consommateur, citoyen mais avant tout joueur et acteur dans une société en crise.

Notes :

  1. Y. Winkin, « Propositions pour une anthropologie de l’enchantement », in P. Rasse (dir.), Unité-Diversité. Les identités culturelles dans le jeu de la mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2001, p.169-179.

Références :

  • Alvarez d’ J., 2007, Du jeu vidéo au serious game. Approches culturelles, pragmatique et formelle, thèse en sciences de l’Information et de la Communication, sous la dir. Jean Pierre Jessel et Gilles Methel. Université de Toulouse IOS et Toulouse IOSI. (LARA et IRIT-CNRS)
  • Carré, D., 2005. « Apport de la problématique communicationnelle à la compréhension des processus de la diffusion des techniques », in Actes des travaux du groupe de recherche « sociologie de la communication », Congrès international des sociologues de langues française, Tours 5-9 juillet 2004, pp. 65- 73.
  • Mauco, O., 2008 « Les serious games, entreprise d’auto légitimation », Médiamorphoses – n.22, INA, Bry-sur-Marne, pp.79-84
  • Schiele B., « Publiciser la science ! Pourquoi faire ? », in I. Paillart (dir.), La publicisation de la science, Grenoble, PUG, 2005, p. 22.
  • Winkin Y., « Propositions pour une anthropologie de l’enchantement », in P. Rasse (dir.), Unité- Diversité. Les identités culturelles dans le jeu de la mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2001, p.169-179.

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Nathalie Garric, Laboratoire ligérien de linguistique (LLL), Université François Rabelais, Tours

Michel Goldberg, Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs, CNRS, UMR 6250), Université de La Rochelle

Confrontation de savoirs d’experts destinés à un public de citoyens : le problème de la défiance dans la médiation de controverses à thème scientifique

Résumé : Des sites internet dédiés à des débats de société à thème scientifique proposent des mises en scène de controverses destinées à un large public de non-spécialistes. Ces sites publient des débats structurés c’est-à-dire de débats dans lesquels les thèmes sont discutés de manière telle que les arguments des camps opposés sont confrontés dans un même espace. Ces dispositifs de médiation peuvent contribuer à former le citoyen à l’étude de problématiques à thème scientifique car ils présentent les différents enjeux environnementaux, sociaux et politiques du point de vue d’experts, de scientifiques ou de journalistes qui soutiennent des courants de pensée opposés. Notre contribution sera centrée sur l’étude de certains marqueurs énonciatifs, notamment modaux et argumentatifs dans un débat de société à thème scientifique : la mise en culture de plantes génétiquement modifiées. Le corpus sera constitué de débats structurés récemment mis en ligne.

Notre recherche sera centrée sur des questions liées à la confrontation argumentative, qui n’émergent que parce qu’il y a une confrontation et un débat, et qui révèlent l’existence d’une défiance entre les intervenants. Notre étude visera à comparer d’une part le projet éditorial de sites qui proposent des débats structurés et d’autre part les débats eux-mêmes, en nous centrant sur les révélateurs de cette défiance et sur les efforts mis en place par les intervenants pour traiter de ce problème. En particulier, nous étudierons les fonctionnements discursifs suivants :

1. La multiplicité des énonciateurs à l’intérieur d’un même discours :

le scientifique qui fait reposer son discours sur un savoir vérifié, reconnu par sa communauté mais aussi le chercheur qui met en avant les doutes, les inconnues, les incertitudes ; l’organisateur d’un débat mais aussi le participant qui prend position ; le prescripteur de normes de la science, de la recherche, de la controverse, mais aussi celui qui revendique un positionnement extérieur au débat éthique.

2. Le méta-débat sur les normes de l’argumentation dans le débat : les accusations d’arguments fallacieux et contradictoires (d’un point de vue logique ou d’un point de vue lié aux ambiguïtés du langage).

3. Certaines attitudes telles que le changement inopiné de thème du débat. Nos études précédentes ont montré que dans certains débats, les opposants traitent de thèmes dans lesquels ils se sentent outillés pour affaiblir les thèses opposées. A l’inverse, ils évitent d’autres thèmes. Il arrive ainsi que la discussion passe inopinément d’un thème appartenant au domaine scénique de l’environnement à celui de la santé, puis à celui de l’économie, selon l’opposant qui s’exprime, en évitant une confrontation des arguments ayant trait à un thème donné.

4. Le problème du discours principalement monologual et du discours pour autrui, dans lequel la parole est mise au service d’intérêts non-explicités, indépendamment des thèses et des arguments de l’adversaire, comme s’il n’était pas entendu.

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Angela Settani, doctorante, Université Sorbonne Nouvelle Paris III et Université de Milan

Dispositifs en ligne de l’UE : « éclaireurs » des problèmes européens ?

Résumé : Le « déficit démocratique » qui affecte la vie politique de l’Union Européenne a interrogé Bruxelles sur la notion d’espace public européen et du rôle du citoyen européen grâce aux nouveaux médias. Le début du XXIème siècle marque pour l’Union Européenne le renouvellement de l’approche communicative avec ses citoyens. Nouveau siècle, nouvelles technologies de communication, nouveaux problèmes et un nouveau défi communicationnel communautaire à l’horizon. Barroso en 2005 proposa une nouvelle approche plus démocratique : « Cela suppose un accès à des informations claires et objectives, un processus décisionnel transparent et facile à comprendre, et un dialogue bilatéral permanent entre les hommes politiques et les citoyens »i. Internet est reconnu alors comme un média nécessaire pour l’UE, le média du tournant communicationnel européen. Entre 2005 et 2009 il parut sur la toile: le forum Debate Europe, le site Europa, Eu Tube, chaine UE d’informations sur YouTube. Dès les années 2000 le but des anciens et nouveaux médias est renforcer la démocratie en UE. En effet, le plan D comme Démocratie, Dialogue et Débat de 2005 encourageait les Etats membres à organiser un large débat public sur l’avenir de l’Union européenne et sur les problèmes européens, en y associant les citoyens, les groupes d’intérêts, les employeurs et les syndicats, les parlements nationaux et les partis politiques, avec le soutien des institutions communautaires.

Notre recherche portera sur le débat et la confrontation qui a eu lieu sur le forum Europe Debate lors de la dernière crise financière du 2008. Nous analyserons les contributions des internautes français et italiens. Nous envisageons d’étudier la place des modérateurs dans le forum et la contribution des internautes experts en science économique et géopolitique vis-à-vis des autres internautes qui appartient au  vulgo. Une étude de leurs discours et de leur position interlocutive sera réalisée. Est-ce qu’une confrontation et un débat dans une agora virtuelle entre citoyens européens plus ou moins experts du secteur économico-financier et géopolitique peuvent réveiller la conscience européenne? L’analyse des fonctionnements discursifs nous aidera à éclairer la position du citoyen « expert scientifique » au sein du forum et sa contribution à la compréhension du « problème économico-financier » : crise.

Notre réflexion nous amènera à réfléchir également sur les dispositifs européens en ligne. Des aspects, comme le rôle divulgateur des plates-formes sur internet et les nouvelles politiques de communication de l’UE seront également observés.

Notes :

  1. http://ec.europa.eu/commission_barroso/wallstrom/keydocs_en.htm.
  2. http://ec.europa.eu/commission_barroso/wallstrom/pdf/com_2008_158‐4_en.pdf

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