Session 3. Médecine et médias : quelles valeurs, quels repères pour les citoyens ?

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Anne Masseran, CREM, Université de Nancy 2 et Philippe Chavot, LISEC, Université de Strasbourg
Lorsque la technomédecine change la vie : compatir, admirer… puis intégrer ? L’inscription des publics dans la mise en scène télévisuelle de la greffe de visage

En France, la télévision accorde une place importante à la communication concernant le domaine médical. Dans ce cadre, il est domaines intermédiaires entre science et émotion, pour lesquels la télévision ouvre à chacun l’intimité et la transformation d’un corps par la technomédecine : c’est le cas des reportages sur les greffes de visage.

Cette communication fait suite à une étude longitudinale sur l’histoire de la mise en scène télévisuelle de la transplantation d’organes, elle portera sur le corpus particulier des documentaires portant sur les greffes non vitales spectaculaires diffusés sur les chaînes de télévision gratuites françaises depuis 2000. Ceux-ci se présentent comme des récits mettant en scène une trilogie d’acteurs : le patient, le chirurgien, la société. Le récit est centré sur l’utilité et la « magie » de la technique : le chirurgien ne sauve pas la vie à proprement parler, mais il permet au patient de vivre une vie « normale » (et donc « enchantée »). Parallèlement au prodige de la chirurgie, la compassion est toujours suscitée. Il s’agit donc d’un dispositif médiatique susceptible de proposer un spectacle particulier et « vécu », et assignant une place bien particulière au téléspectateur. Nous montrerons qu’il s’agit-là, au-delà des apparences de modernité conférées par la technicité de ces transplantations, d’un mécanisme finalement très classique, voire ancien, de vulgarisation scientifique, destiné non à faire comprendre, mais entretenant une distance suscitant une relation de quasi-vénération qui interdit les questionnements publics des enjeux de la greffe de visage, tout en instaurant, par le biais de l’émotion, une relation forte au patient.

Nous analyserons de manière critique la problématique de la spectacularisation de l’intimité via la mise en scène de la technomédecine, en examinant plus particulièrement la notion de « grand public » dans le cadre de la communication dédiée à la technomédecine : comment est-il (sont-ils ?) imaginé (s) ? quels sont les points de repères ainsi que les valeurs et rôles sociaux qui lui sont proposés vis-à-vis de la science de la transplantation, de l’image du chirurgien et des patients ? Et, puisque ces documentaires sont de type narratif, nous tenterons de comprendre comment la mise en récit contribue à imposer des significations, des valeurs et des types de comportement destinés au « grand public imaginé ».

La mise en image sera l’un des points d’entrée dans l’étude de ce dispositif de vulgarisation, la mise en évidence du marquage médiatique de frontières rhétoriques qui protègent la pratique virtuose et les connaissances en matière de greffe, constituera une seconde entrée. Pour ce faire nous mettrons en œuvre des outils issus des études sur la communication et la médiation scientifique que nous associerons à ceux que proposent les études sociales de la science et des technologies (STS).

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Pilar Paricio Esteban, Professor and Vicerrector of Institutional Relations CEU-UCH ; Francisco Núñez-Romero Olmo, Professor and Editor in Chief of  EL ROTATIVO, newspaper  of CEU-UCH et Cristina Rodríguez Luque, Professor and Sub-editor of Radio CEU, radio station of CEU-UCH
Health and scientific perspective in media coverage about drugs in the Spanish press. El País, El Mundo, Abc and La Razón (2010)

Spain is the leader in the European Union in terms of consumption of cocaine and cannabis (EMCDDA 2010; UNODC, 2010). Drug consumption is a social problem related to health, but it has been disappearing from the media agendas, which reasserts the concept of invisible consumer and decreases the perception of risk of some substances, specially tobacco, alcohol and cannabis (López de Luzuriaga & Bermejo, 2004; Pantoja Vargas & Abeijón, 2004; Paricio, 2010). Drug consumption as the main problem of the country was considered in the third place by the Spanish population in 1998 and in 2001 it has turned to the twentieth in the surveys elaborated by CIS  (García del Castillo, 2011). This study analyzes media coverage of drugs in the main national newspapers El País, El Mundo, Abc and La Razón in 2010 (716 texts) in order to evaluate the issue in terms of a health risk contextualizing the image framed by the media with the data of  national surveys related to public perception. The methodology used is double. A categorical content analysis from the perspective of framing (Bardin, 1986; Durant, Bauer, & Gaskell, 1998) and a structural analysis (Kayser, 1982). The variables include substances, frames, main topic, sources quoted and variables of composition of the page. The results shows that scientific and health frames are practically absent of the analysis  -New research 3.8%; scientific-medical context 6%; epidemiology 6.1%- in contrast to frames related to crime (40.2%), which contributes to decrease health perception considering the effect of frames  and agenda setting of the media in the public (Driedger, 2008; Scheufele, 1999). Tobacco (25.4%), cocaine (21.5%) and (21.5%) and alcohol (21.2%) are the most mentioned. However, cannabis is barely mentioned (3,8%) instead of it has increased their consumption in the last years like cannabis (Bobes, Bascaran, González, & Sáiz, 2000). Also, the consequences of drug abuse in physical and psychological health are barely mentioned (1.4% each).

Références :

  • Bardin, J. L. (1986). El análisis de contenido. Madrid: Ediciones Akal.
  • Bobes, J., Bascaran, M. T., González, M. P., & Sáiz, P. A. (2000). Epidemiología del uso/abuso de cannabis. Adicciones, 12(2), 31-40.
  • Driedger, M. (2008). Creating shared realities through communication: exploring the agenda-building role of the media and its sources in the E. coli contamination of a Canadian public drinking water supply. Journal of Risk Research, 11, 23-40.
  • Durant, J., Bauer, M. W., & Gaskell, G. (1998). Biotechnology in the Public Sphere.  A European Sourcebook. Londres: Science Museum.
  • EMCDDA (2010). El Problema de la Drogodependencia en Europa. Informe Anual 2010.
  • García del Castillo, J. A. (2011). La evaluación del consumo de drogas en perspectiva. Health and Addictions, 11(1), 7-15.
  • Kayser, J. (1982). El diario francés. Barcelona: ATE.
  • López de Luzuriaga, U., & Bermejo, S. (2004). Qué esperamos los profesionales que tenemos que ver con las drogas de los mdc: la visión de una asociación de usuarios de drogas por la reducción de riesgos. In L. L. Pantoja & J. A. Abeijón (Eds.), Los medios de comunicación y el consumo de drogas (pp. 110-112). Bilbao: Asociación Ai laket!
  • Pantoja Vargas, L., & Abeijón, J. A. (2004). Los medios de comunicación y el consumo de drogas. Bilbao: Universidad de Deusto. Instituto Deusto de Drogodependencias.
  • Paricio, P. (2010). Campañas y comunicación institucional para la prevención de la drogadicción. Villafranca del Penedés: Erasmus ediciones.
  • Scheufele, D. A. (1999). Framing as a theory of media effects. Journal of Communication(49), 101-120.
  • UNODC. (2010). World Drug Report 2010: United Nations Office on Drugs and Crime.

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Elisabeth Bacon, Inserm, U 666, Strasbourg
Les benzodiazépines : outils thérapeutiques et/ou « monstres » médiatiques ?

Les formes écrites tiennent une place importante dans la mise en sens des connaissances relatives aux médicaments. Elles sont plus variées que pour les autres domaines de la recherche : on peut trouver des informations dans les  journaux de recherche scientifique, dans les journaux médicaux, spécialisés et/ou généralistes, les ouvrages de référence (le Vidal), les notices, les réglementations sanitaires nationales et européennes, les textes juridiques, les communiqués des firmes pharmaceutiques, et aussi dans les médias grand public. Or, la médiatisation n’est jamais neutre. Elle assure une fonction d’organisation, de crédibilisation et de hiérarchisation des valeurs attribuées aux sciences et aux visions du monde qu’elles donnent. Quel est le rôle des divers supports écrits dans la diffusion des connaissances sur les médicaments ? L’analyse dans les divers médias écrits de la découverte, des recherches, et de la circulation des connaissances concernant les effets amnésiants des benzodiazépines révèle les liens, mais aussi des fossés entre les producteurs du savoir et les médiateurs, notamment les journalistes : tout se passe comme si diverses cultures professionnelles (scientifique et journalistique) s’emparaient d’un objet pour écrire des histoires parallèles, qui ne se croisent pas. Ainsi, les propriétés amnésiantes, considérées comme bénéfiques par une spécialité de la médecine, sont utiles pour la recherche fondamentale, et sont, parallèlement mises en scène dans les médias comme indésirables, voire dangereuses pour les patients consommant ces molécules pour traiter leur anxiété ou leur insomnie. Cette étude révèle que la spécificité des dispositifs, des acteurs et des écrits qui participent à la mise en sens des connaissances scientifiques concernant un effet secondaire de médicament est susceptible de produire des « histoires » différentes, voire contradictoires : quid de ce qu’en retiendra le public ?

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