Michael Palmer, Directeur de l’EA 1484, Communication-Information-Media (CIM), Univ. Sorbonne nouvelle, Paris3
« Publics, citoyens ou acteurs ? Définitions, auto-définitions et positionnements »
Qu’est-ce que « la culture numérique » ? Plus prosaïquement, comment les médias, médiateurs de la science et de la technologie, pensent-ils mettre en récit et en ligne les discours sur la science et la technologie ? Quels publics visent-ils? Quels dispositifs d’ »écriture » emploient-ils ?
La culture numérique est-elle une affaire générationnelle? Les jeunes « branchés », dits de la génération Internet et Google, seraient-ils plus férus et à l’aise avec les « appli(cation)s’ » que leurs prédécesseurs? Les professionnels de l’information, ayant à la fois à s’initier à ces technologies et à les médiatiser, participant ainsi à leur vulgarisation, vivent-ils en quelque sorte une forme d’Angst existentiel? La logique marchande et communicationnelle fait-elle bon ménage avec un certain enthousiasme de bon aloi ? Les traces des discours tenus au sein de telles entreprises permettent-elles d’en isoler des indices ?
Telles sont certaines des interrogations auxquelles on se propose d’apporter des esquisses de réponse à partir d’une « micro-étude » née – si l’on puit dire – de la fréquentation des sites internet et intranet de agences internationales de l’information, (dites souvent « de presse »),AFP et Reuters (ce dernier, du groupe Thomson-Reuters) à propos de la science et la technologie d’une part, et des religions, de l’autre.
L’interrogation majeure porte sur les modalités d’écriture et la focale retenue d’acteurs transnationaux de l’information et de la communication dans « leur couverture » de la science, et ce, pour des publics de tous ordres, internautes assidus. L’essentiel du corpus date depuis 2000 ; ce textes brefs (en anglais-américain pour la plupart), liés à l’actualité, refléteraient-ils, somme toute, une certaine vision de la science à l’ère de la culture numérique? Exemples triviaux mais pas tant que cela) ce « papier » Reuters, sur Yahoo!news, intitulé: « God was behind Big Bang, universe no accident » (Pope 6.1.2011) ; ce « papier’ »AP,sur Yahoo!news, intitulé : « Tech mogul pays bright minds not to go to college » (29.5.2011).
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Florence Riou, Centre François Viète d’Histoire des sciences et des techniques, Nantes.
Le cinéma dans l’entre-deux-guerre: au coeur des enjeux d’une nouvelle culture scientifique
L’entre-deux-guerres est une période charnière dans la mise en place de rapports entre société, sciences et médias. Une dynamique s’installe au niveau international, via l’Institut international de coopération intellectuelle de la Société des Nations, pour développer les rapports entre les hommes de science et la diffusion de leurs recherches par l’image. En 1934 le Congrès International du Cinéma d’éducation et d’enseignement appelle les divers gouvernements à développer les films scientifiques en direction de la masse populaire.
L’Exposition internationale « Les Arts et les techniques dans la vie moderne », se tient à Paris en 1937. Je me propose d’analyser, dans ce contexte, comment va être pensée la collaboration entre cinéma et science par les différents pays. Quels sont les films, scientifiques ou techniques, qui vont être présentés au public du Palais de la Découverte, inauguré dans ce cadre? Entre partage du savoir ou volonté de séduire, quels sont les statuts accordés à ces films, les visions du monde ou enjeux politiques dont ils sont porteurs? Dans le cas de la France, la science est notamment l’objet d’une nouvelle stratégie de diffusion culturelle par le film en direction du grand public: quel rôle y tiendra l’image animée, quelles sciences y seront représentées, comment les scientifiques s’y investiront, pour quel motif?
L’étude des archives de l’exposition de 1937, l’analyse des types de films qui y sont présentés, mais aussi des comptes rendus de Congrès et des revues de l’époque, révèlent les enjeux que représentent ce médium à l’aube de la seconde guerre mondiale. La représentation de la science et des technologies par le cinéma est alors porteuse d’un rôle dans la société.
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Pascal Robert, Université Paul-Valéry Montpellier III et IEP d’Aix-en-Provence (Cherpa)
Les revues de micro-informatique sont-elles porteuses d’une « culture technique » de l’informatique ?
Les revues de micro-informatique sont-elles porteuses d’une « culture technique » de l’informatique ? Ou plutôt la représentation qu’elles véhiculent de l’informatique peut elle être qualifiée de culture technique, de quel type de culture technique ou sinon de quoi s’agit-il ?
Nous avons travaillé un corpus restreint de quatre numéros de revue de l’année 2006 –année charnière où ces revues intègrent pleinement internet dans leur discours- afin d’explorer ces questions (SVM et l’OI). Corpus restreint car l’analyse se veut qualitative et très détaillée, puisqu’il s’agit de comprendre finement comment s’élabore un discours qui se veut également un acte de médiation (puisque la revue se situe entre le lecteur-usager et les techniques matérielles ou logicielles disponibles sur le marché). Nous avons eu recours à la sémiotique narrative et discursive comme outil de décryptage. Chaque numéro est donc très précisément étudié dans ses moindres détails (typologie des articles, typologie des illustrations, logiques argumentatives, positionnement par rapport au schéma actantiel etc…) .
Il en résulte que deux stratégies dominantes orientent ces revues, celle de l’Exposition et celle du Test, dont nous montrons précisément les mécanismes de fonctionnement. Cette deuxième logique permet de faire également intervenir la sociologie des techniques et ses réflexions sur la métrologie (Latour).
Ces deux stratégies permettent de construire une culture pratique dans laquelle la revue est elle- même un intercesseur. Mais cette culture pratique peut-elle constituer une véritable culture technique ? Car une telle culture peut-elle se passer, comme c’est le cas ici, de réfléchir aux enjeux de société et aux enjeux politiques des TIC ou les ramener à des positionnements techniques? Nous conclurons sur l’idée qu’une telle « culture » pratique ne permet pas véritablement de nourrir une culture technique mais bien plutôt un Impensé informatique, c’est-à-dire une logique qui permet de soustraire l’informatique (et plus globalement les TIC) aux épreuves de justification politiques (nous nous inspirons ici de Boltanski et thévenot).