Session 7 : Les technosciences en débat

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Sezin Topçu, Attachée temporaire d’enseignement et de recherche au Ceres-Erti, École Normale Supérieure de Paris

Vers une « mise en culture » de la catastrophe ? Mobiliser les publics européens face au risque radiologique « durable »

Résumé : La politique d’empowerment du public a pris de l’ampleur dans le domaine de la gestion post-accidentelle au cours de la dernière décennie. A l’échelle européenne, l’hypothèse que les actes de malveillance sont susceptibles de provoquer des défaillances technologiques majeures, dont en premier lieu des accidents nucléaires, a mené à la multiplication de dispositifs dits participatifs, destinés à la gestion d’une contamination radiologique de longue durée. Cet article analyse ce processus d’implication des parties prenantes dans la gestion post-accidentelle parallèlement à la « mise en culture » du risque d’accident, bien illustrée par l’irruption de la notion de « culture radiologique pratique ». Il se focalise, dans ce cadre, sur le projet Sage lancé par la Commission européenne en 2002 en vue  d’élaborer, moyennant des panels de parties prenantes constitués dans trois pays européens, un guide pratique visant à orienter l’action des individus en cas d’une contamination radioactive dite « durable ». Au croisement des Science and Technology Studies, de la sociologie de l’action collective et des études de gouvernementalité, ce papier montre que la « mise en forums hybrides » de l’accident nucléaire depuis la dernière décennie, en France comme en Europe, correspond à une politique visant à mieux gérer la société du risque à travers ce que nous appellerons une double pédagogie de la catastrophe et de la responsabilité.

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Frédéric Clément, Agrégé, doctorant, Université de Technologie de Troyes, CREIDD

Bertrand Guillaume, Maître de conférences, Université de Technologie de Troyes, CREIDD

Sciences et société : étude d’un cas historique

Résumé : La multiplication des problèmes environnementaux liés à l’utilisation de certaines technologies et l’apparition d’une fracture profonde entre la société, d’une part, et les sciences et les techniques, d’autre part, ont conduit l’union Européenne à chercher à impliquer la société dans les programmes de développement scientifique, à améliorer la diffusion des savoirs scientifiques et l’acceptabilité sociale des technologies émergentes. L’ensemble des recherches du 7° PCRD doit ainsi permettre l’élaboration prochaine d’une société démocratique fondée sur le savoir avec une bonne intégration des innovations technologiques et scientifiques et des politiques de recherche associée.

L’étude de la controverse liée à l’utilisation des pesticides dans les années soixante aux Etats-Unis nous amène à nous interroger sur les controverses et les polémiques ayant eu lieu. L’étude montre ainsi qu’une controverse scientifique est rapidement apparue quant à l’utilisation à grande échelle de ces produits. La polémique liée émergea progressivement dans l’opinion américaine, via différents acteurs : scientifiques, journalistes, sociétés de protection de la Nature et administrations. Elle met en évidence l’asymétrie de connaissances et de budget, notamment, entre les défenseurs de l’environnement et les partisans des pesticides.

Cet exemple soulève plusieurs questions de fond sur les rapports entre sciences, technologies et société : Comment différencier les sciences et les technologies ? Comment distinguer les dispositifs de vulgarisation scientifique du lobbying ? Comment prendre en charge l’asymétrie sans laisser place à l’affabulation ?

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Agnès Weill, Docteure en SIC, ATER à l’Université de Nancy 2, Laboratoire du CREM EA 3476

Le débat public sur la gestion des déchets radioactifs en France : exemple d’un outil institutionnel de médiation

Résumé : L’évolution du rapport entre sciences et société suscite de multiples interrogations, de la part des acteurs sociaux, avec une intensité qui se modèle au gré des controverses apparaissant  dans l’espace public. En particulier, est pointée la place du citoyen dans l’élaboration des politiques publiques, notamment dans le secteur des activités à risques, touchant notamment à la santé ou à l’environnement. Comment, dans un cadre institutionnel, mettre en œuvre un dispositif de médiation autour de sujets de société faisant controverses ?

Les années 90 ont mis en évidence la nécessité d’introduire le dialogue et la concertation avec les citoyens, afin de rendre toute leur légitimité aux décisions publiques. C’est ainsi que se développera la conception du débat public avec la création de la Commission nationale du débat public (CNDP), tentative de réponse à la crise de l’intérêt général qui affecte tous les acteurs décisionnels, dans un contexte global fait d’incertitudes, voire de risques de toutes natures.

Cette communication se propose d’étudier le cas du débat public CNDP sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue (HAVL), qui eut lieu durant quatre mois entre octobre 2005 et janvier 2006, à partir des quinze réunions publiques tenues en régions et à Paris. En effet, il apparaît comme significatif d’un type de médiation revêtant un caractère institutionnel, ceci à plusieurs niveaux : celui de la forme originale de cet outil cadré par la loi, mais en évolution constante ; celui des enjeux des différents acteurs, inégalement représentés ; celui des multiples scènes du débat, débordant la seule arène officielle de la Commission. Celui, enfin, des publics du débat, dont le thème scientifique et technologique a, à l’évidence, découragé le « profane » peu averti, ou le citoyen non engagé dans la problématique de l’énergie nucléaire.

L’analyse du dispositif  de la CPDP donne à voir une arène des débats construite et temporisée, où les échanges contradictoires, spontanés, sont évacués, au profit d’un cadrage méthodologique porteur d’une double performance : la première concerne la capacité de cette Haute Autorité à s’emparer du dossier du débat, pour en révéler l’aspect de controverse socio-technique, touchant à des enjeux de société. La seconde rejoint sa capacité à imposer sa légitimité de médiateur, en maîtrisant l’ensemble des échanges, grâce à un dispositif construit, où se succèdent auditions, réunions  et questions –réponses.

Mais l’objet de la médiation, aussi ambitieux soit-il, concerne un public limité, touchant d’abord les acteurs de la filière nucléaire et les services de l’État, loin devant les associations et les riverains du projet de centre d’enfouissement des déchets HAVL. La question territoriale reste un point d’achoppement, qui souligne la complexité des enjeux, entre projet d’intérêt général et retombées locales.

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