Session 6 : Quels dispositifs pour la participation citoyenne aux choix technoscientifiques?

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Valentina Pricopie, Maître de recherche, Institut de Sociologie de l`Académie Roumaine

Horizon 2020 : communiquer la recherche en Europe, faire participer les publics

Résumé : En mars 2010, la Commission Européenne propose un nouveau document cadre qui doit remplacer la Stratégie de Lisbonne, largement débattue d`une manière critique notamment par rapport à ses objectifs juges „irréalisables”. Il s`agit du plan Europe 2010. Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Contrairement à d`autres documents de la CE, la stratégie Europe 2020 débute par une Préface signée José Manuel Barroso qui recadre le contexte actuel de l`Europe en crise en fonction des objectifs prioritaires de cette initiative : « La Commission propose à l’Union européenne cinq objectifs mesurables pour 2020 qui guideront ce processus et qui se déclineront en objectifs nationaux dans les domaines suivants: l’emploi, la recherche et l’innovation, le changement climatique et l’énergie, l’éducation et enfin la lutte contre la pauvreté. Ils représentent notre horizon et seront l’étalon qui nous permettra de mesurer notre réussite. » (Barroso, J.M, 2010, p. 4). L`initiative phare pour une croissance intelligente proposée par cette stratégie est Une Union de l`innovation qui vise à renforcer les financements pour la recherche au sein de l`UE, et introduit une nouvelle formule – recherche et innovation – pour dénommer la recherche scientifique. Des mots et des formules recherchées qui répondent aux recommandations du Livre blanc sur une politique de communication européenne (2006), ayant pour but de transformer l`Europe des élites en l`Europe des citoyens.

En ce sens, il faut savoir que le document de travail de la Stratégie Europe 2020 avait été proposé en consultation[1] publique en ligne en disposant de la participation des états membres par des rapports nationaux, des représentants de la société civile européenne et d`une série d`autres organisations internationales. Au total 317 contributions en provenance des citoyens, 822 rapports remis par des organisations européennes et internationales et 26 rapports officiels de la part des états membres, à l`exception de l`Espagne qui avait directement participé à la réalisation du document en qualité de responsable de la présidence semestrielle de l`UE.

Notre étude propose une analyse des différentes façons de dénommer la recherche en Europe, en sachant qu`on opère avec trois formules différentes : découvertes scientifiques (formule utilisée avant 2007 par l`Eurobaromètre afin de tester l`impacte de la science au niveau de la perception du public européen), recherche scientifique – formule appropriée utilisée par l`Eurobaromètre pour la première fois pour le rapport Scientific Research in Media. Special Eurobarometer 282 (printemps 2007), et finalement recherche et innovation – formule proposée par la Stratégies Europe 2020. Ces trois catégories d`analyse seront opérationnalisées à partir des acceptions proposées par les différents documents de la CE, et analysées à partir des résultats des sondages menés par l`Eurobaromètre les dix derniers années ainsi qu`à travers le discours de vulgarisation scientifique proposé par le portail Science in Society. Le but de cette étude est celui d`identifier en quelle mesure le choix des institutions européenne est stratégique pour dénommer la recherche au niveau de la perception publique des citoyens afin de pouvoir clarifier la place de la recherche scientifique au sein du débat public européen et, à la fois, d`inventorier les différentes façons de communiquer la recherche en Europe.

Notes :

  1. La consultation a été ouverte du 24 novembre 2009 au 15 janvier 2010, et toutes les propositions et les recommandations enregistrées peuvent être consultées en ligne sur la page de la Stratégie : http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/eu2020/consultation_en.htm, archivée au 4 mai 2010.

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Agnès Alessandrin, Agrosémiologue, Université Paris Descartes, Faculté des Sciences humaines et sociales Sorbonne

Anne-Marie Houdebine, Professeure de linguistique et de sémiologie, Université Paris Descartes, Faculté des Sciences humaines et sociales Sorbonne

Dialogue de l’imaginaire et de l’analytique : pour la co-élaboration d’un dispositif de médiation participatif appliqué au domaine alimentaire.

Résumé : Les études participatives offrent l’opportunité de mener des approches pluridisciplinaires et de faire dialoguer des domaines scientifiques traditionnellement disjoints. Il en est ainsi des recherches collaboratives que nous avons engagées depuis dix ans pour la mise au point d’un dispositif de médiation adapté au traitement de problématiques alimentaires complexes, telles que les OGM et le bien-être animal, sources de controverses médiatisées entre producteurs et consommateurs. Menées en étroite collaboration entre l’équipe des linguistes et sémiologues de l’université Paris René Descartes, le département de socio-économie de l’INRA, institut de recherche finalisé en agro-alimentation, et le centre d’interface agroalimentaire ADIV, celles-ci ont abouti à la formalisation du dispositif dans le cadre de la recherche Medialog soutenue par l’ANR sur la période 2007-2009. Initialement inspiré par les principes de l’analyse sensorielle, notamment par les techniques de formation des jurys de dégustateurs, le dispositif a progressivement intégré les concepts et outils de la sémiologie des indices (Houdebine, 2002). Nous saisissons ici l’occasion qui nous est donnée de confronter deux appareillages disciplinaires distincts afin d’explorer la zone sensible des rapports entre la science, la technologie et la société dans le domaine de l’alimentation. La communication s’articulera en trois phases. Dans un premier temps, nous présenterons le dispositif en centrant le propos sur les apports épistémologiques des sciences du langage : le parcours expérimental sera décomposé selon les trois temps aristotéliciens, du pathos, du logos, et de l’ethos, retravaillés dans le cadre de la théorisation de l’imaginaire socioculturel (Houdebine, 2009). A partir de là, nous tenterons d’établir des passerelles méthodologiques entre les deux champs disciplinaires disjoints, celui des sciences agronomiques et celui des sciences du langage ; les principes issus de la théorisation de l’imaginaire socioculturel de l’alimentation seront mis en regard de ceux de l’analyse sensorielle, méthodologie prédominante dans les recherches expérimentales sur la qualité des aliments. Dans un dernier temps, nous élargirons le point de vue à la situation européenne en s’appuyant sur les résultats de l’évaluation du dispositif par l’équipe spécialisée en socio-économie alimentaire l’université de Gand. Ceci nous amènera en conclusion à ouvrir la réflexion sur la contribution des sciences du langage dans l’organisation d’espaces de dialogue constructifs entre les savoirs savants et les savoirs citoyens.

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Gilles Hériard Dubreuil, Directeur de Mutadis [1]

Dorothée Benoît Browaeys, Déléguée Générale de VivAgora [2]

Stéphane Baudé, Chargé de recherches à Mutadis

Nathalie Fabre, Chargée de mission à VivAgora

Le  Nanoforum du CNAM en France : espace public pérenne et outil de démocratie constructive sur les nanotechnologies

Résumé : Le Nanoforum est un dispositif permanent de dialogue sur les nanotechnologies créé en France en 2007 dans un contexte de fortes incertitudes concernant les propriétés des nanotechnologies et leurs effets sur la sanitaires, environnementaux et sociaux. Ces incertitudes mettent en défaut les dispositifs traditionnels de régulation impliquant les industriels, les pouvoirs publics et les organismes publics d’expertise.

Mis en place à la demande de la Direction Générale de la Santé (DGS), le Nanoforum consiste en une série de rencontres publiques, ouvertes à tous, organisées au CNAM en soirée de façon régulière. Chaque séance a porté sur un thème particulier (ex. nanotechnologies et cosmétiques, gouvernance internationale, protection des travailleurs, …). Son Comité de Pilotage associe pouvoirs publics, société civile et personnalités qualifiées.

Le Nanoforum ne vise pas à éclairer une décision publique particulière ou un ensemble précis de décisions et n’à pas vocation à produire de recommandations. Il cherche, à travers son caractère permanent, public et pluraliste, à favoriser l’émergence d’un cadrage pluraliste et robuste des problématiques liées aux nanotechnologies et à identifier, conjointement avec les différentes parties prenantes participantes (pouvoirs publics, associations, acteurs territoriaux, industriels, experts et chercheurs, etc.), des incertitudes, points aveugles et questions clés à traiter.

Des efforts particuliers ont été déployés pour faciliter la participation d’acteurs de la société civile. Un partenariat a été notamment construit entre le Nanoforum et un groupe de citoyens grenoblois qui se sont progressivement constitué en collectif (« Collectif Enjeux Nanotechnologies Grenoble – CENG CENG) et dont les investigations et les questionnements ont permis d’alimenter deux séances du Nanoforum. Cette démarche a été poursuivie en 2010 et élargie à d’autres groupes territoriaux à Bordeaux, Toulouse et sur le plateau de Saclay.

La présente communication s’appuie sur les travaux menés à la demande de la DGS par Mutadis et VivAgora :

  • un  travail de retour d’expérience du Nanoforum mené auprès d’acteurs de la société civile entre novembre 2009 et juin 2010 sur la base d’entretiens
  • un travail de facilitation de partenariats entre des groupes d’acteurs territoriaux et le Nanoforum mené en depuis 2008 dans le contexte de Grenoble, puis à partir de 2010 dans le contexte de Bordeaux, Toulouse et du plateau de Saclay

Cette communication s’attache à montrer comment le dispositif de Nanoforum et les partenariats territoriaux contribuent à  créer les conditions d’un engagement compétent et autonome d’acteurs de la société civile dans la durée. Il ne s’agit alors pas seulement de créer les conditions procédurales d’un dialogue équilibré et sincère mais, en dépassant la perspective dialogique, de contribuer à faire émerger des formes nouvelles de démocratie technique constructive où les acteurs de la société contribuent de façon durable au traitement des questions publiques qui les concernent.

On montrera enfin comment cette action entre en synergie avec deux initiatives portées par VivAgora pour mettre en société les enjeux des nanotechnologies :

  • L’Alliance citoyenne sur les enjeux des nanotechnologies (ACEN), veille citoyenne coopérative soutenue par un collectif d’associations (http://nano.acen-cacen.org)
  • COEXNANO, processus exploratoire d’expertise pluraliste sur les nanorevêtements soutenu par le Ministère de l’Ecologie

Notes :

  1. Mutadis est un groupe de recherche créé en 1990 qui intervient dans le champ de la gouvernance des activités à risques. Il conduit des démarches expérimentales visant à renforcer la compétence et l’influence des citoyens sur les décisions qui les concernent dans différents domaines (activités à risques, nouvelles technologies, développement durable des territoires). Mutadis a participé au comité de pilotage du NanoForum depuis son lancement en juin 2007.
  2. VivAgora est une association loi 1901 créée en 2003 qui intervient notamment dans le champ des nanotechnologies, où elle a expérimenté des démarches participatives et des débats publics. Elle cherche à promouvoir une nouvelle culture de l’innovation, plus responsable, et dans laquelle la société civile pèse sur les choix scientifiques et techniques. VivAgora est partenaire du NanoForum et membre de son comité de pilotage depuis son lancement en juin 2007.

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