Session 4 : Publics spécifiques et situations de médiation

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Anne-Catherine Hauglustaine-Robert, Jardin des Sciences, Université de Strasbourg
Les jeunes et la science : le développement des parlements de jeunes en science en Europe

À l’heure où nos disciplines scientifiques et culturelles connaissent de profondes évolutions et au moment où se créent de nouveaux grands établissements culturels et de diffusion de la culture scientifique et technique, revenir sur la question des jeunes et de la diffusion des sciences permet une mise en perspective des questions liées à la diffusion de la CST en France et en Europe.

Revenons sur cette question des nouveaux outils  de diffusion des sciences vers un jeune public. Cette intervention s’appuie sur un travail collectif réalisé au Jardin des Sciences de l’Université de Strasbourg dans le cadre d’un projet européen : 2-WAYS. Organiser un parlement de science pour un jeune public dans un cadre scolaire était l’engagement d’une quinzaine de partenaires d’un projet européen entre 2008 et 2010.  La thématique choisie liée aux sciences du vivant a permis un débat très animé autour des questions de bioéthique dans les divers pays concernés par ce projet. La présentation finale des résolutions au Parlement Européen à Bruxelles en décembre 2010 a été l’occasion de confronter ces différentes approches.

Notre présentation portera sur cette question de l’organisation à l’échelle européenne de parlements de jeunes sur des sujets scientifiques, sur les  résultats observés et sur l’imbrication de ces outils dans un panorama plus large de projets de diffusion des sciences vers un jeune public.

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Frédéric Clément, Agrégé, doctorant, Université de Technologie de Troyes, CREIDD

Florence Charbonnier, Professeur des universités, Université Joseph Fourier

Utilisation de la polémique liée à la publication de « Silent Spring » de Rachel Carson à des fins d’enseignement.

Résumé : La publication de « Silent Spring » par Rachel Carson en 1962 provoqua une vaste polémique aux Etats-Unis puis dans le monde occidental entraînant une modification de la règlementation des pesticides. Cet ouvrage est également considéré comme l’un des symboles de la fracture entre les sciences, les techniques et la société. L’œuvre dépasse le cadre classique de la vulgarisation scientifique du fait de la multitude des disciplines concernées, de l’objectif de l’auteur et du milieu de l’apprentissage. La nature même du sujet implique pour le citoyen une mobilisation de ses différentes représentations (scientifiques, politiques, religieuses, …).

Les techniques liées aux pesticides et les règlementations associées ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Mais une polémique liée à leur utilisation et à leur dangerosité existe toujours.

Pour des élèves ingénieurs, dans le cadre d’une formation aux bases scientifiques de l’environnement,  la reconstruction d’un milieu conflictuel sur les bases de documents d’archives (de l’époque de la publication de l’ouvrage) et de documents actuels est-elle pertinente dans une perspective d’apprentissage ?

Dans le but de tester cette approche de la formation aux sciences de l’environnement, nous avons construit une séquence d’enseignement en deux séances axées :

  • sur la découverte de documents historiques (extraits de « Silent Spring », entretiens et vidéos) et de documents actuels (textes issus du site www.info-pesticides.org de l’Union des Industries de la Protection des Plantes), permettant d’aborder d’une part la réalité des problèmes que vise à résoudre l’utilisation des pesticides et d’autre part la pertinence du questionnement portant sur leur utilisation raisonnée ;
  • puis sur la mise en débat des réactions suscitées par les documents lus et visionnés.

Cette séquence a été mise en place sur deux semestres d’enseignement à l’Université de Technologie de Troyes: en fin de module (durant le second semestre de la première année d’études universitaires) et en début de module (au tout début du parcours universitaire) « Sciences de l’environnement ». Elle a été suivie d’entretiens avec quelques-uns des étudiants de chaque groupe.

Dans les deux situations, il s’agit d’étudiants adultes ayant fait le choix d’une formation aux sciences de l’environnement, donc d’un public a priori non seulement concerné par les problèmes soulevés (par sa responsabilité engagée de citoyen) mais aussi disposé à s’impliquer dans un débat à caractère scientifique (en relation avec son projet professionnel dans un parcours de sciences), c’est-à-dire un public a priori susceptible de tirer profit d’une telle approche.

La répétition de l’étude à deux temps de la formation a fourni des éléments pour mieux caractériser la population testée (en situation d’apprentissage dans un cadre universitaire) par rapport au public visé par l’auteur de l’ouvrage « Silent Spring » au temps de sa publication (le citoyen Américain de 1962).

Le suivi des débats et les réponses fournies dans les entretiens ont fait émerger une diversité de conceptions et de représentations des étudiants, parfois surprenantes pour le public concerné. L’enquête en cours sur les connaissances construites dans le module d’enseignement concerné, permettra d’évaluer la séquence en termes de formation des élèves-ingénieurs.

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Renaud Debailly, Docteur en sociologie de l’Université Paris IV et chercheur postdoctorant au Certop, Université Toulouse II et CNRS

Le tournant participatif à l’épreuve de l’expertise. Le développement des Boutiques de Sciences aux Pays-Bas et en France (1977-1990)

Résumé : Les derniers programmes-cadres européens insistent sur la nécessité du partage des savoirs avec la société civile. Dans les différents documents publiés par la Commission européenne, la thématique « sciences et société » a ainsi été remplacée par une nouvelle thématique « sciences en société ». Ce glissement n’est pas anodin, il repose notamment sur l’idée que la participation des citoyens aux choix scientifiques et techniques est devenue un impératif depuis les années 1980.

L’analyse des dispositifs et des difficultés concrètes auxquelles se heurtent les acteurs sont cependant incontournables pour complexifier cette vision globalisante. Cette communication propose de revenir sur l’expérience des « Boutiques de Sciences » (BdS) dont l’objectif est de démocratiser l’accès à l’expertise scientifique. L’analyse du déroulement de cette expérience aux Pays-Bas et en France, depuis la fin des années 1970 jusqu’au années 1990, permet de nuancer l’idée selon laquelle un tournant participatif se serait aisément imposé en Europe.

Après un mouvement de désacralisation des sciences pendant les années 1970 dans plusieurs pays européens, des étudiants et des enseignants proposent aux Pays-Bas de rendre accessible l’expertise aux « non-scientifiques » (ie. syndicats, associations, ONG) en créant des BdS afin de réaliser des expertises à titre gratuit. Il s’agissait pour ces étudiants et ces enseignants de contribuer au changement social en aidant des groupes dominés qui ne pouvaient pas financer une expertise. Le modèle s’est ensuite exporté dans plusieurs pays européens (eg. Allemagne, Autriche, France).

Devant le déclin assez rapide des BdS en France et leur succès aux Pays-Bas jusqu’à la fin des années 1990[16], nous insisterons sur le fait que cette situation paradoxale doit être rapportée aux traditions nationales dans lesquelles les Boutiques se développent, et à la définition du projet des BdS par les différents acteurs en présence : les scientifiques, l’Etat et la « demande sociale ». Cette comparaison permettra de souligner l’influence cruciale des cultures politiques nationales sur la participation dans le domaine des sciences et des techniques.

Références :

  • FARKAS Nicole (2002), « Bread, Cheese and Expertise: Dutch Science Shops and Democratic Institutions », Thèse sous la direction de BREYMAN Steve, Discipline : Philosophie, Rensselaer Polytechnic Institute.
  • FISCHER Corinna, LEYDESDORFF Loet et SCHOPHAUS Malte (2004), « Science Shops in Europe : the Public as Stakeholder », Science & Public Policy, Vol. 31, n°3, pp. 199-211.
  • MULDER Henk A. J., AUF DER HEYDE Thomas, GOFFER Ronen, TEODOSIU Carmen (2001), Success and Failure in Starting Science Shops, SCIPAS Report N°2, EC-DG RESEARCH programme, Improving the Human Research Potential and the Socio-Economic Knowledge Base (IHP) Strategic Analysis of Specific Political Issues (STRATA).
  • STEWART John et KAHN René (1985), Les boutiques de sciences en France : doctrines et fonctionnement. Action Thématique Programmée « Science, Technologie et Société » du CNRS, Paris, Strasbourg.

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